Alors
que le niveau de menace liée à l’épidémie de coronavirus (Covid-19) vient
d’être porté à son degré maximum par l’OMS et que les cas d’infection se
multiplient chaque jour sur le territoire français, le Ministère du travail a
publié le 28 février dernier un Questions/réponses à destination des employeurs
et des salariés.
Cette situation oblige les employeurs non seulement à prendre des mesures de précaution face au risque infectieux, mais aussi à gérer les absences des salariés et les inquiétudes légitimes des collaborateurs en cas de contamination avérée.
1 Les mesures de protection adoptées par l’employeur
L’employeur est-il tenu de prendre des
mesures particulières de prévention en l’absence de salarié répondant aux
critères de risque ?
Oui. Chaque employeur est tenu de prendre les mesures
nécessaires afin de préserver la santé et la sécurité des salariés.
Compte tenu des alertes diffusées par les pouvoirs publics,
il appartient aux employeurs de procéder à une évaluation des risques et de
procéder à une mise à jour de son document unique d’évaluation des risques
professionnels (DUER) et de la liste des postes présentant un risque
particulier nécessitant un suivi médical renforcé.
Ces démarches doivent être réalisées en concertation avec le
médecin du travail et sont soumises à la consultation du CSE.
L’employeur doit-il fournir des
équipements particuliers aux salariés ?
Pour chaque poste présentant un risque particulier
d’exposition, l’employeur sera tenu de mettre à disposition les équipements de
protection individuelle (EPI) adaptés (solution désinfectante, masques,
lunettes, gants, blouse de travail, etc.).
Suivant la même logique, les salariés sont tenus de respecter
les consignes de sécurité délivrés par l’employeur, notamment si elles incluent
le port d’EPI.
L’employeur est également tenu par une obligation
d’information et de formation du personnel sur les conditions d’exposition au
risque et les mesure de prévention.
En dehors de la formation renforcée à destination des salariés exposés à des risques particuliers, une information générale à destination du personnel est recommandée (affichage, réunion d’information, etc.).
2. Faire face au retour des salariés de zones à haut risque ou en contact avec une personne infectée
Quelles mesures sont envisageables pour les salariés
revenant de zones à haut risque ou en contact avec une personne infectée ?
Face
à une situation justifiant une mise en isolement d’un salarié, l’employeur doit
envisager toutes les solutions permettant de réduire le risque d’exposition des
salariés :
- Mettre
en place le télétravail, si cette mesure est compatible avec les fonctions
exercées par le salarié ;
- Organiser
le travail de manière à réduire le risque : suspension temporaire des
réunions en présence physique, report des déplacements, réduction des accès aux
lieux de rassemblement de l’entreprise (réfectoire, vestiaires, ascenseurs,
etc.) ;
- Enfin,
lorsque la présence du salarié exposé engendre un risque élevé (par exemple
pour un poste en contact avec un public fragilisé), restreindre voir supprimer
temporairement son accès à son lieu de travail (voir point n°3 pour la gestion des absences).
Cette
restriction nécessite néanmoins l’accord du salarié. A défaut, l’employeur doit
alors prendre contact avec le médecin du travail afin qu’il se positionne sur
la présence du salarié dans l’entreprise.
Quelles sont les modalités de recours au télétravail dans
le contexte de l’épidémie ?
L’article
L. 1222-11 du Code du travail prévoit la possibilité pour l’employeur de
recourir au télétravail en cas de risque épidémique.
La mise en œuvre de ce dispositif dans une telle situation ne nécessite pas l’accord du salarié et n’obéit à aucun formalisme particulier.
3. Gérer les absences des salariés
Comment gérer l’absence d’un salarié malade ou placé en
quatorzaine ?
Le
salarié présentant un cas d’infection avérée dispose d’un arrêt de travail.
Si
le salarié ne présente pas de signes d’infection mais que sa situation justifie
une mise en quatorzaine, une mise en isolement est prescrite par le médecin de
l’Agence Régionale de Santé (ARS), ouvrant le bénéfice d’une indemnisation
spécifique.
Le traitement des absences du personnel évolue en fonction de l’état d’avancement de l’épidémie.
Au
stade 2 de l’épidémie, il n’y a donc plus de quatorzaine pour les personnes
revenant d’une zone à risque mais des mesures de réduction sociale.
La
quatorzaine est toutefois maintenue pour les cas contacts à haut risque.
Comment gérer l’absence d’un salarié dont l’enfant est
placé en quatorzaine ?
S’il
ne dispose pas d’une solution de garde, le salarié dont l’enfant est placé à
l’isolement peut également bénéficier d’un avis d’arrêt de travail établi par
un médecin habilité par l’ARS.
En dehors des cas de quatorzaine, comment gérer les
absences des salariés en lien avec le coronavirus ?
Il convient de distinguer les situations relevant de
l’initiative du salarié ou de l’employeur.
Si le salarié ne bénéficie pas d’un arrêt de travail délivré
par le médecin de l’ARS, et sauf à pouvoir valablement mettre en œuvre son
droit de retrait (voir point n°4), il
est tenu de se présenter à son poste de travail dès lors que l’employeur a mis
en œuvre les mesures de prévention appropriées.
Si le retrait temporaire du salarié de son lieu de travail a
été décidé unilatéralement par l’employeur, ce dernier ne peut imposer au
salarié la prise de congés payés.
Dans ces circonstances, il est néanmoins possible pour
l’employeur de décaler les dates des congés payés posés par les salariés sur
une autre période sans avoir à respecter le délai de prévenance d’un mois.
De même, la prise de JRTT peut être décidée par l’employeur,
sous réserve que l’accord collectif fondant le régime d’aménagement du temps de
travail prévoit la possibilité pour l’employeur de fixer seul une partie des
JRTT, et à condition de respecter le délai de prévenance adéquat.
En dehors de ces cas limitatifs, l’employeur sera tenu de
maintenir la rémunération du salarié s’il a décidé seul de restreindre l’accès
au lieu de travail.
En conclusion, il convient dans ce type de situation de privilégier la concertation avec le salarié.
4. Les droits du salarié face aux risques du coronavirus
Quels sont les mesures à prendre en cas
d’exercice du droit d’alerte ?
Ce droit se manifeste par l’alerte d’un travailleur auprès de
son employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de
penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa santé.
Cette alerte peut être exercée directement par un salarié, ou
par le CSE dans les mêmes conditions ou lorsqu’il existe un danger grave pour
la santé publique et l’environnement.
Le droit d’alerte doit être formalisée par écrit à
l’employeur qui doit à son tour informer le salarié et le CSE des suites qu’il
entend donner.
Il appartient à l’employeur de décider d’une procédure
d’enquête pour vérifier si les conditions d’application du droit d’alerte sont
réunies, et de mettre en œuvre les mesures de prévention nécessaires en
associant l’ensemble des acteurs compétents (représentants du personnel,
médecin du travail, référent santé et sécurité au travail, etc.).
Un salarié peut-il faire valoir son droit de retrait ?
Le
code du travail prévoit la possibilité pour un salarié, après avoir alerté son
employeur, de se retirer d’une situation dont il a un motif raisonnable de
penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa santé.
Le
caractère justifié du droit de retrait est apprécié par le juge judiciaire au
cas par cas.
Néanmoins,
les possibilités de recours à un tel dispositif en raison du coronavirus sont
limitées dès lors que l’employeur a pris les mesures nécessaires de prévention
et de protection nécessaires conformément aux recommandations précitées.
Si
le droit de retrait est justifié, il appartient à l’employeur de prendre les
mesures nécessaires pour permettre aux salariés de cesser leur activité. Aucune
sanction ou retenue sur salaire ne peut être exercée tant que la situation de
travail fait courir un danger grave et imminent aux salariés.
A l’inverse, si le droit de retrait est manifestement abusif, une retenue sur salaire pourra être opérée et l’employeur pourra engager des éventuelles sanctions disciplinaires.
5. Gérer la baisse d’activité et la fermeture de l’entreprise
Le recours à l’activité partielle est-il possible ?
Oui.
Les entreprises justifiant de circonstances exceptionnelles les conduisant à
réduire ou à suspendre leur activité peuvent mobiliser le dispositif de
l’activité partielle.
Il
s’agit notamment des entreprises confrontées à une fermeture administrative,
l’absence massive de salariés indispensables à l’activité de l’entreprise,
l’absence de salariés provoqués par la suspension des transports en
commun, ou encore la baisse d’activité
liée à des difficultés d’approvisionnement, des problèmes de livraison, des
difficultés d’accès à l’entreprise pour des clients ou encore des fermetures
pour cause sanitaire.
Le
salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par
son employeur à l’échéance habituelle de la paie, correspondant à 70 % de sa
rémunération brute horaire.
Sur
le plan pratique, l’employeur doit accomplir deux démarches préalables avant la
mise en place de l’activité partielle :
- une consultation des représentants du personnel concernant les motifs de recours l’activité partielle, les catégories professionnelles et les activités concernées, le niveau et les critères de mise en œuvre des réductions d’horaire, les actions de formation envisagées ou tout autre engagement pris par l’employeur ;
Les entreprises sans représentants du personnel doivent informer directement leurs salariés du projet de mise en activité partielle de leur établissement.
- une demande préalable d’autorisation d’activité partielle auprès de la DIRECCTE reprenant notamment les motifs justifiant le recours à l’activité partielle, la période prévisible de sous-activité et le nombre de salariés concernés.
Cette
démarche est réalisée par voie dématérialisée sur le site https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/.
L’impact économique engendré par l’épidémie de coronavirus
peut-il justifier la mise en œuvre immédiate d’un licenciement pour motif
économique ?
Non.
La mise en œuvre d’un licenciement pour motif économique nécessite pour
l’entreprise de pouvoir justifier de difficultés économiques réelles et
sérieuses.
Selon
le Code du travail, il y a difficulté économique lorsque l’entreprise connaît
une évolution significative d’au moins un indicateur économique tel que :
- une
baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, - des
pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut
d’exploitation, - ou
tout autre élément de nature à justifier de difficultés économiques.
Une
baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée
lorsque, en comparaison avec la même période de l’année précédente, la baisse
atteint une durée qui varie en fonction de la taille de l’entreprise, dans les
conditions suivantes :
- 1 trimestre
pour une entreprise de moins de 11 salariés, - 2 trimestres
consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins 50 salariés, - 3 trimestres
consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300
salariés, - 4 trimestres
consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus
Sous
réserve d’une situation particulière et/ou de difficultés antérieures de
l’entreprise, il serait donc prématuré d’engager immédiatement une mesure de
licenciement pour motif économique sur le seul fondement de l’impact de
l’épidémie de coronavirus.
Cependant,
les conséquences économiques de l’épidémie pourraient à moyen terme justifier
une réduction d’effectifs, si la conjoncture économique ne permet pas aux
entreprises concernées de redresser leurs situations financières.
PVB AVOCATS et son
équipe sociale sont à votre disposition pour vous aider à faire le point sur
vos obligations et vous assister dans vos démarches.
Pour consulter le Questions / Réponses du Ministère du travail : https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/coronavirus-questions-reponses-pour-les-entreprises-et-les-salaries