LE BONHEUR EST DANS LE PRET :
FOCUS sur les apports en compte courant d’associé
L’apport en compte courant d’associé est une avance consentie par certains associés ou dirigeants à une société qui fait face à des besoins momentanés de trésorerie
I – Modalités de l’apport en compte courant d’associé
a – Par qui ?
Une société peut recevoir des avances en compte courant des personnes suivantes :
- les associés en nom (SNC) ou les commanditaires (SCS) d’une société de personnes ;
- les associés ou actionnaires détenant au moins 5% du capital social des autres formes sociales (not. SARL, SAS et SCI) ;
- les gérants, administrateurs, membres du directoire ou du conseil de surveillance.
Attention, les Présidents et Directeurs Généraux de SAS ne peuvent pas consentir des avances en compte courant s’ils ne détiennent pas au moins 5% du capital social.
b – Comment ?
L’avance faite à la société peut être consentie de plusieurs façons :
- par le versement de fonds dans la caisse sociale ;
- par la mise à disposition des sommes qui sont normalement dues (rémunérations et dividendes) ;
- par le règlement en lieu et place de la société d’une dette sociale.
Quelle que soit la modalité choisie, l’apport est valablement réalisé avec ou sans écrit. La conclusion d’une convention est toutefois fortement recommandée pour les raisons exposées ci-après.
II – Fonctionnement du compte courant d’associé
a – Apport avec ou sans taux d’intérêt
L’apport en compte courant est consenti :
- sans intérêt par défaut ;
- avec intérêt, lorsque cela est prévu par une convention d’apport en compte courant ou dans les statuts de la société. La fixation du taux d’intérêt doit être réalisée en considération de certaines contraintes fiscales, les intérêts payés par la société en rémunération des avances en compte courant n’étant fiscalement déductibles des bénéfices que si :
– Le capital est intégralement libéré ;
– Le taux ne dépasse pas la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour les prêts à taux variables aux entreprises d’une durée initiale supérieure à deux ans. Le taux maximal s’établit à 1.46% au 31 janvier 2019, sur une nette tendance à la baisse.
b – Remboursement à tout moment de l’avance consentie
Si rien n’est prévu dans la convention de compte courant ou dans les statuts, l’associé peut demander le remboursement intégral ou partiel du solde créditeur de son compte courant à tout moment.
La créance de compte courant d’associé peut alors être remboursée en cash, ou faire l’objet d’une compensation pour permettre notamment à l’associé de souscrire à une augmentation de capital en numéraire.
c – Solde débiteur du compte courant d’associé
Le solde du compte courant d’associé peut parfois être débiteur : c’est alors la société qui accorde un découvert à l’associé.
- C’est possible sans exception dans les sociétés civiles et SNC ;
- Ce n’est possible dans les SARL que pour les associés personnes morales ;
- Ce n’est possible dans les SA, SCA et SAS que pour les dirigeants personnes morales et les associés personnes physiques ou morales.
d – Cession du compte courant d’associé
Attention, le transfert (cession, donation, etc.) de ses parts ou actions par l’associé prêteur n’emporte pas le transfert automatique du compte courant à l’acquéreur.
Il convient donc de prévoir expressément ce transfert, soit en amont dans les statuts ou la convention d’avance en compte courant, soit au moment du transfert des titres dans l’acte de cession ou de donation.
III – Risques attachés au compte courant d’associé
La réalisation d’une avance en compte courant par une personne ne remplissant pas les conditions légales (synthétisées ci-avant) est une violation directe du monopole bancaire. Tant le prêteur que la société emprunteuse s’exposent alors à de lourdes sanctions : jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende, ce montant étant quintuplé (1 875 000 €) pour une personne morale.
Par ailleurs, une personne morale ne peut consentir un apport en compte courant d’associé que si ce dernier est rémunéré par un taux d’intérêt. A défaut, la société prêteuse pourra notamment s’exposer, en cas de contrôle de l’administration fiscale, à la qualification d’un acte anormal de gestion.
Inversement, le paiement d’intérêts excessifs par la société emprunteuse l’exposera à la qualification d’acte anormal de gestion en cas de contrôle fiscal (remise en cause de la déductibilité de l’intérêt excessif).
Le dirigeant conduisant sa société emprunteuse à consentir à un taux d’intérêt excessif pourra également s’exposer à la qualification d’une faute de gestion, voire d’un abus de bien social ou de pouvoir.
Enfin, le remboursement de l’avance à l’associé peut mettre la société dans une situation financière délicate si elle ne dispose pas d’une trésorerie suffisante. Le compte courant d’associé non bloqué, en tant que passif exigible de la société, peut être l’un des éléments à l’origine d’un état de cessation des paiements de cette dernière si elle ne parvient plus, avec son actif disponible, à faire face à son passif exigible.
IV – Aménagements légaux et conventionnels
Afin de pallier ces risques multiples, et outre les rares mécanismes d’encadrement légaux, l’apporteur et la société seront inspirés d’aménager en amont les modalités de l’avance en compte courant.
a – Aménagements légaux
L’article 1244-1 du Code civil permet à la société de solliciter des délais de paiement (report ou échelonnement de la dette dans la limite de deux ans) auprès du juge.
Par ailleurs, le remboursement d’un compte courant intervenu en période suspecte (entre la date effective de cessation des paiements et la mise en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire), lorsque la société fait l’objet d’une procédure collective, peut être annulé si au moment de cette opération l’associé avait connaissance de l’état de cessation des paiements de la société.
b – Aménagements conventionnels
L’apporteur et la société peuvent décider conventionnellement :
- que l’apport en compte courant sera rémunéré par un taux intérêt ;
- que le remboursement du compte courant ne pourra pas intervenir durant un certain délai (convention de blocage de compte courant) ;
- de subordonner le remboursement de l’apport à des conditions particulières (trésorerie suffisante, mise en place d’un échéancier de paiement, etc.) ;
- qu’en dépit de l’échéancier et/ou de la période de blocage convenus, le remboursement immédiat pourra être exigé par l’associé dans certains circonstances (faute de la société à son égard, refus de certification des comptes par le CAC, REX insuffisant par rapport à un BP, etc.)
Opération souvent perçue comme banale, l’apport en compte courant d’associé n’en demeure donc pas moins une opération qui ne saurait faire l’économie d’un encadrement juridique précis. Nos équipes en droit des contrats et des sociétés restent à votre disposition pour échanger sur vos interrogations afférentes à ce sujet !